Télétravail, rupture des contrats, chômage partiel ou encore garde d'enfants : beaucoup de nouvelles mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics. Pour s’y retrouver plus facilement et tout vous expliquer sur le droit du travail pendant cette période, nos deux experts Julien Guillot, avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit social, et Sarah Ben Allel, head of People chez Qonto, ont animé notre deuxième webinar, mercredi 1er avril. Voici ce qu’il fallait en retenir.
[COVID-19] Webinar : Droit du travail et mesures adoptées chez Qonto
Exposition du cadre légal
1. Délais de paiements et échéances fiscales et sociales
- Report des cotisations URSSAF
Il est maintenant possible de reporter toutes vos échéances URSSAF mensuelles et trimestrielles. Les employeurs et travailleurs indépendants dont la date d’échéance URSSAF intervient le 15 du mois ont pu reporter tout ou partie du paiement de leurs cotisations salariales et patronales pour l’échéance du 15 mars 2020. De même, les employeurs dont la date d’échéance URSSAF intervient le 5 du mois peuvent reporter tout ou partie du paiement de leurs cotisations salariales et patronales pour l’échéance du 5 avril 2020. Vous pouvez donc vous connecter sur le site de l’URSSAF et reporter jusqu’à trois mois d’échéances sans aucune pénalité.
- Report des impôts sur les revenus
ll est maintenant possible de moduler le montant de vos impôts en réalisant un prévisionnel de votre chiffre d’affaire pour l’année 2020.
2. Dispositif de chômage partiel
Qu’est ce que le chômage partiel ?
- Soit une baisse de l’activité de l’entreprise
Par exemple, une entreprise dans laquelle les salariés travaillent habituellement 35 heures par semaine peut demander à son service marketing de travailler 20 heures par semaine et à son service commercial de travailler 10 heures par semaine. Elle va pouvoir réduire l’activité de son entreprise par le temps de travail hebdomadaire.
- Soit arrêter son activité
Certains secteurs, comme la restauration, ont dû arrêter totalement leur activité compte tenu des mesures prises par le gouvernement. Aussi, certaines entreprises peuvent également stopper totalement l’activité de l’un ou plusieurs de leurs services.
Attention : le chômage partiel est une mesure collective, il ne peut pas être mis en place pour une seule personne, mais peut être attribué par service, département, unité de travail ou site au sein d’une même entreprise.
Pour avoir recours au chômage partiel, il faut en faire la demande sur ce site.
Une fois vos identifiants et un mail d’habilitation reçus, vous pouvez vous connecter sur votre compte et motiver votre demande de chômage partiel. Nous vous recommandons de bien expliquer les circonstances de votre baisse d’activité.
Habituellement, avant de faire une demande de chômage partiel vous devez consulter votre CSE (comité social et économique), mais, au vu de la situation, le gouvernement a autorisé que cette consultation soit faite a posteriori, dans un délai de deux mois suivant la demande.
Beaucoup de personnes se connectent actuellement sur le site, ce qui rend l’inscription et l’envoi de la demande de chômage partiel compliquées. C’est pourquoi l’administration prévoit que les entreprises puissent mettre au chômage leurs salariés directement et qu’elles fassent leur demande sur le site dans un second temps, dans un délai de 30 jours. Cette demande sera prise en compte de manière rétroactive.
Une fois votre demande envoyée, comment savoir si elle est acceptée ? Sachez qu’en l’absence de réponse sous 48 heures, votre dossier est accepté d’office.
Attention : c’est l’employeur qui continue de verser une indemnité aux salariés, à hauteur de 84 % de la rémunération antérieure nette, dans la limite de 4,5 SMIC, soit 6 927 € bruts pour les plus hauts salaires. La Direccte rembourse ensuite une allocation à l’employeur. Certaines conventions collectives prévoient un complément.
En principe, le chômage partiel peut être refusé par la Direccte. Cependant, compte tenu de la situation et grâce aux directives données par la ministre du Travail, les mesures pour recourir au chômage partiel sont extrêmement assouplies. Si, malgré tout, la Direccte refuse votre demande de chômage partiel, vous pouvez recourir au tribunal administratif. Celui-ci examinera votre demande.
Bon à savoir : les entreprises qui recourent au chômage partiel ne peuvent pas verser de dividendes à leurs actionnaires au cours de l’année 2020.
Dernier point important : il est maintenant possible de recourir au chômage partiel aussi pour les salariés au forfait jour.
3. Congés payés, RTT, temps de travail
- Congés payés
Les entreprises peuvent imposer 6 jours de congés payés aux salariés, avec un délai de prévenance de 24 heures. Pour mettre en place cette mesure, il faut que l’entreprise négocie un accord collectif d’entreprise avec ses organisations syndicales ou son CSE (ou par référendum). Cette imposition de 6 jours de congés payés est valable sur la période du 25 mars 2020 au 31 décembre 2020.
- RTT
L’employeur peut imposer la prise de 10 jours de RTT sans l’accord du salarié, et sans l’accord collectif. Là aussi, le délai de prévenance est de 24 heures.
- Temps de travail
L’employeur a la possibilité de déroger à toutes les mesures en matière de durée de travail. La durée maximale de travail par semaine est portée à 60 heures par semaine. Sur 12 semaines consécutives, il faut cependant que la moyenne soit à 45 heures de travail par semaine. La durée maximale quotidienne peut être portée à 12 heures de travail au lieu de 10 heures. Les entreprises ont aussi la possibilité de déroger au repos dominical. Ces mesures sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020.
4. Arrêt de travail
Le salarié peut demander à son employeur un arrêt de travail pour garder son enfant (moins de 16 ans uniquement) lorsqu’il n’est pas en mesure de faire du télétravail. Attention, les employés qui peuvent télétravailler ne bénéficient pas de cette mesure. Cet arrêt doit viser un seul parent, mais il peut y avoir une alternance dans cette garde. La durée de cet arrêt de travail est de 21 jours. Elle fera certainement l’objet d’un renouvellement. C’est à l’employeur d’effectuer cette démarche, sur le site declare.ameli.fr.
5. Rupture des contrats
Licenciements
Les licenciements pour inaptitude ou pour faute peuvent toujours avoir lieu, car ils ne sont pas fondés sur la situation économique. Pour les licenciements disciplinaires, les délais de prescription de deux mois ne sont pas suspendus.
- Fin de période d’essai
Il est interdit de rompre la période d’essai d’un salarié pour un autre motif que lié aux compétences du salarié à occuper son poste de travail. Un employeur ne peut donc arguer de difficulté économique pour rompre la période d’essai d’un salarié.
- Promesse d’embauche
Une promesse d’embauche ferme vaut embauche. Il faut donc bien vérifier ce que prévoit votre promesse d’embauche avant de la rompre.
6. Implication du CSE
Il est très difficile aujourd’hui d’avoir une vision à moyen/long terme, et les entreprises doivent prendre des décisions rapidement. Cependant, il est important d’informer le CSE par e-mail des mesures qui sont prises au sein de l’entreprise et de le consulter pour toutes les mesures les plus importantes (par exemple, le chômage partiel).
Mise en place des mesures chez Qonto
1. Enjeux de communication
Communication instantanée auprès de l’équipe pour informer des mesures pratiques.
Constitution d’un comité « gestion de crise /continuité d’activité » avec les différents interlocuteurs clés.
Implication du CSE : nous avons très vite impliqué le CSE sur la fermeture des bureaux, les discussions autour du chômage partiel et des congés. Nous les informons également sur les cas de personnes atteintes du COVID-19.
Informations auprès des managers : nous avons créé une chaîne sur notre outil de messagerie instantanée, Slack, avec tous les managers, sur la quelle nous partageons les différentes informations, idées et conseils pour la mise en place du télétravail.
Prise de paroles des fondateurs : par e-mail et par session de questions/réponses en vidéoconférence avec toutes les équipes.
Animation de l’équipe en interne (engagement, motivation) : un webinar mercredi 8 avril est dédié à ce sujet.
Communication auprès des futurs collaborateurs.
2. Mesures mises en place
Chômage partiel pour les futurs collaborateurs : nous avons décidé de maintenir la date d’arrivée des nouveaux collaborateurs. Ils sont mis en chômage partiel dans la mesure où nous ne pouvons pas gérer leur intégration, notamment d’un point de vue matériel et logistique.
Report des sessions d’intégration à la fin du confinement.
Flexibilité du temps de travail des parents : nous avons conscience que les parents ne pourront pas être à 100 % de leur temps de travail, mais plutôt à 75 %. Si leur temps de travail est inférieur à cela, ils ont pour instruction de nous remonter l’information afin que nous puissions trouver des solutions alternatives.
Règles de congés post COVID-19 : aujourd’hui, toutes les équipes sont mobilisées à 100 %. Nous n’avons pas imposé de RTT ou de congés payés à nos employés. En revanche, nous réfléchissons d’ores et déjà à l’organisation de la prise de congés payés à la sortie du confinement.
Les réponses à vos questions
Le chômage partiel est-il un synonyme de chômage technique, au sens strict ?
Oui, tout à fait. Chômage partiel, chômage technique et activité partielle signifient la même chose.
Quels impôts sont concernés pour les remises d'impôt ?
Les impôts sur le revenu et la TVA (crédits de TVA) sont concernés.
Est-ce possible pour un(e) salarié(e) qui a démissionné avant la période du COVID-19 de réintégrer sa société ?
On ne peut pas revenir sur la rupture du contrat du travail. Il faudra donc faire un nouveau contrat de travail. Si la démission était très équivoque, l’employeur et le salarié peuvent en discuter et considérer que la démission n’est pas valable. Enfin, le salarié peut se rétracter de sa démission, mais cette rétractation doit avoir lieu rapidement. Dans un tel cas, la rétractation s’impose à l’employeur.
Quid de la rémunération variable pour les nouveaux embauchés ?
Elle est prévue par le contrat de travail. Si les conditions d’ouverture de cette rémunération variable ne sont pas réunies (par exemple : le chiffre d’affaire est en baisse), elle n’est pas perçue.
L'indemnité de chômage partiel est-elle calculée sur la base d'un salaire moyen des 12 derniers mois ?
Elle est calculée par rapport à l’indemnité compensatrice de congés payés. Normalement, il ne faut prendre en compte que la dernière rémunération du salarié avant la mise en activité partielle. Cependant, si la rémunération du salarié varie d’un mois à l’autre, il est possible de faire la moyenne des 3 derniers mois précédant le chômage partiel.
Comment faire si mon entreprise impose une semaine de congé d'ici fin mai, sans un accord d'entreprise ?
Si il n’y a pas d’accord collectif, l’entreprise ne peut pas l’imposer. Elle peut en revanche imposer des RTT ou imposer des jours de repos annuel. Attention, lorsque le salarié est en chômage partiel, il ne touche que 84 % de son salaire net, alors que quand il est en congé payé, en RTT ou en jour de repos, il touche la totalité de son salaire.
Est-ce que l'on peut imposer des RTT à un(e) salarié(e) en particulier ou cela doit-il être une prise collective ?
Cela n’est pas précisé, mais il ne faut pas que cela soit fait de manière discriminatoire.
Liens utiles
- economie.gouv.fr
- declare.ameli.fr
- activitepartielle.emploi.gouv.fr
- Coronavirus - COVID-19 et monde du Travail, Ministère du Travail
- Le Covid-19 fragilise les périodes d'essai et promesses d'embauche, Les Echos
- Covid-19 : comment l’employeur peut imposer la prise de congés payés ?, Editions Tissot
- CSE : consultation et réunion en période d’épidémie de Covid-19, Editions Tissot