Partager l’article
Après de multiples rebondissements sur le plan économique en 2022, le paysage financier s’est transformé. Les taux d’intérêt continuent de fluctuer et les exigences des investisseurs se sont quelque peu renforcées.
Faisons le point sur les nouveaux enjeux de la finance d’entreprise en 2024, avec des astuces et témoignages d’experts : Séverin Henry (Qonto), Daphné Barthelet (Lydia), Francis Saillard (FSA Concept) et Benjamin Topper (Moon Surgical).
Février 2023 : la Banque centrale européenne (BCE) relève à nouveau ses taux directeurs, pour la 5ème fois d’affilée. Le taux de refinancement était déjà en hausse en 2022, passant de 0,50 % en juillet à 2,50 % fin décembre 2022.
Qu’est-ce que cela signifie ? Rappelons le fonctionnement des taux directeurs. Les trois taux existants (refinancement, escompte et rémunération des dépôts) sont fixés par la Banque centrale européenne, pour prêter de l’argent aux banques commerciales qui en ont besoin.
La hausse des taux d’intérêt a pour objectif de réduire la liquidité. Et nous le ressentons pleinement au quotidien.
- Francis Saillard, FSA Concept
La volatilité des taux de change est également un sujet pour les industries ayant recours à une devise étrangère. Le cours euros-dollars est passé de 1,15 en février 2022 à 0,95 au mois de septembre / octobre de la même année. L’euro a reculé face au dollar, avant de remonter progressivement à 1,07 aujourd’hui.
Une situation que les entrepreneur(e)s doivent anticiper.
Le fait d’opérer sur deux devises différentes a des conséquences. Pour payer les fournisseurs, il faut réfléchir à la monnaie qui sera utilisée avant de négocier le contrat. Nous devons aussi avoir suffisamment d’argent pour exécuter le budget sur les prochaines années : il faut alors anticiper les dépenses, autant en dollars qu’en euros.
- Benjamin Topper, Moon Surgical
Malgré une fluctuation des taux de change et d’intérêt, la situation reste encore supportable pour les entreprises, qui misent sur un retour à la normale dans les mois à venir.
Dans un environnement de taux volatils, les attentes des investisseurs ont changé. Alors comment mettre toutes les chances de votre côté pour les amener à investir dans votre entreprise ?
Aujourd’hui, nous observons un ajustement des stratégies d'investissement, notamment quant au rendement escompté.
Les investisseurs sont plus précautionneux sur leurs investissements et les banques prêtent à des taux plus élevés.
- Séverin Henry, Qonto
En effet, « face au contexte actuel, les investisseurs anticipent la baisse de rendement des entreprises et donc la baisse de la valeur des actions », selon Christine Rifflart, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Alors, quels indicateurs clés amèneront les investisseurs à vous suivre dans vos projets ?
Avant, quand un investisseur préparait sa thèse d’investissement, il regardait essentiellement la croissance du chiffre d’affaires de la start-up. Aujourd’hui, il vient se recentrer sur l’intégralité des unit economics (coûts/revenus par unité).
- Francis Saillard, FSA Concept
Dès lors qu’une jeune entreprise recherche des fonds, elle doit préparer un panel d’indicateurs clés de performance sur sa gestion financière : le revenu récurrent (annuel ou mensuel), la marge opérée, la rétention client (le nombre de clients fidèles à votre établissement sur une période donnée), le coût d’acquisition d’un client (CAC), l’évolution du nombre de clients, etc.
Nous sommes face à une exigence nettement plus accrue qu’hier, où nous avions l’habitude de tenir une comptabilité au jour le jour.
- Francis Saillard, FSA Concept
Les métriques doivent être aussi précises que possible. Les préparer en amont est donc un travail indispensable, à ne pas négliger.
Le premier réflexe : l’anticipation. La clé, c’est de parler aux investisseurs en permanence. Il est essentiel de les rassurer, en les tenant au courant des progrès de votre entreprise. Cela peut être par le biais d’une newsletter envoyée tous les mois.
Il est toujours intéressant d’entretenir une relation de long terme avec eux. L’idée, c’est d’avoir des données à partager : les nouveautés de votre secteur, les nouvelles fonctionnalités lancées, l’évolution du nombre d’utilisateurs, etc.
- Daphné Barthelet, Lydia
Communiquer avec les investisseurs ne se limite donc pas à la période de levée de fonds.
Le second réflexe : mettre en place un reporting (rapport) hebdomadaire et/ou mensuel à destination de vos investisseurs. L’objectif : leur fournir les données financières de votre entreprise.
Nous avons une data room (plateforme de stockage d’informations) qui est prête en permanence. Et surtout, le rythme des reportings (hebdomadaires et mensuels) a augmenté, dans le but de les partager aux investisseurs que l’on rencontre au fur et à mesure du temps.
- Francis Saillard, FSA Concept
La relation avec les investisseurs demande donc beaucoup de préparation et de rigueur. Heureusement, le fondateur est soutenu par son bras droit, le CFO (directeur/trice financier/ère), dans ses prises de décision stratégiques.
Le CFO ou en français le DAF (directeur/trice financier/ère) a un rôle fondamental au sein d’une entreprise, notamment au moment de lever des fonds. Il entretient une étroite relation avec le fondateur de l’entreprise, ainsi qu’avec les investisseurs.
Le CFO est le bras armé du CEO.
- Francis Saillard, FSA Concept
Mais comment se répartissent-ils les rôles ?
Le rôle du CEO est de représenter l’entreprise. Or, celui-ci a besoin du CFO pour l’approvisionner dans toutes les données qu’il va présenter et pour lui construire son storytelling, soit le discours qu'il tiendra aux investisseurs.
Il est donc important de resserrer les liens entre la direction financière et la direction générale de la structure.
Le storytelling se construit avec le CEO, et il doit être adapté au fur et à mesure de l’évolution de l’entreprise.
- Benjamin Topper, Moon Surgical
Le CFO a un véritable rôle de conseiller stratégique, en plus de gérer le budget et les finances de l’entreprise.
Même si le fondateur connaît sur le bout des doigts les données produites par la finance, le but de la direction financière va être de le challenger et de l’assister dans ses prises de décision stratégique.
Le CFO doit incarner la rigueur budgétaire. Et son rôle premier est d’assurer la pérennité de l’entreprise.
- Daphné Barthelet, Lydia
Le rôle du CFO a donc évolué : il est de plus en plus impliqué dans la stratégie et le pilotage de l’entreprise.
Et pour l’aider à gagner en efficacité, la direction générale peut mettre en place des outils pour suivre la gestion de ses dépenses.
