Vous êtes-vous déjà vraiment interrogé(e) sur votre santé mentale en tant que chef(fe) d’entreprise, entrepreneur(e) ou manager d’équipe ? Avez-vous déjà pris le temps de mesurer votre qualité de vie de dirigeant(e) ? Non ? Et bien, bonne nouvelle, vous avez 7 minutes pour y remédier grâce à cet article.
Afin de clôturer ce mois de mai dédié à la sensibilisation à la santé mentale, nous vous proposons cet article consacré à la question de la QVD (qualité de vie des dirigeants). Afin de vous aider à prendre ce temps pour vous, nous avons posé quelques questions à Céline O'Quigley, psychologue clinicienne spécialiste de la santé mentale au travail chez moka.care, la solution complète de prévention en santé mentale pour les entreprises.
- Quels sont les indicateurs à prendre en compte lorsqu’on est solopreneur(e) ou dirigeant(e) de TPE/PME ?
- En tant que dirigeant(e), comment prendre soin de ma qualité de vie au travail ?
Autant de points de vigilance concrets et de solutions pragmatiques que vous pourrez mettre en œuvre à l’issue de la lecture de cet article.
La « qualité de vie des dirigeant(e)s », un sujet encore tabou ?
Alors que les initiatives visant à améliorer la qualité de vie au travail des salariés se multiplient, il est vrai que, jusqu’alors, peu d’actions avaient été mises en place pour accompagner les dirigeants dans ces questionnements. Il y a encore quelques années, il n’était clairement pas opportun d’interroger un(e) dirigeant(e) sur sa qualité de vie au travail. Demande-t-on à un capitaine s'il se sent bien sur son navire ? Et puis quand bien même sa santé mentale n’était pas excellente, il n'avait pas intérêt à s'en plaindre. N’est-ce pas lui, après tout, qui a choisi d'être à cette place enviable et enviée ? Et puis, il ferait mieux de s’occuper de la santé physique et psychologique des personnes sous sa responsabilité. « Peut-être que la notion de pouvoir liée à la posture de chef(fe) d’entreprise empêchait ces questions autour de la santé mentale des dirigeants » avance Céline O'Quigley.
Pourtant, le capitaine est un être humain comme un autre : il a généralement une famille, une vie privée, des états d'âme, des peurs, des doutes, des contrariétés et, de manière certaine, une santé. Dont il faut prendre soin. « Encore aujourd'hui, certains dirigeants pensent que c'est normal de ne pas dormir, d'être stressé(e), de prendre du poids lorsqu'on a des responsabilités » explique la psychologue. Pourtant, ce n'est pas une fatalité et il est nécessaire de travailler à trouver son équilibre.
Un sentiment de solitude partagé par les dirigeant(e)s d’entreprise et les solopreneur(e)s
Un dirigeant peut-il être sensible à la qualité de vie au travail du personnel de l'organisation qu'il dirige s'il n'est pas sensible à sa propre qualité de vie au travail ?
Pour Supermood et le MEDEF qui ont lancé en 2020 l’indicateur de la « qualité de vie des dirigeants », la réponse est clairement non. Pour créer cet indicateur et comprendre précisément ce qui est source d’épanouissement et ce qui est source de stress, ils ont interrogé plusieurs centaines de chefs d’entreprise pendant plusieurs mois.
Trois catégories sont étudiées dans cet indicateur :
- l’équilibre de vie du dirigeant,
- la relation du dirigeant avec ses équipes (leadership, qualité du feedback avec les collaborateurs, reconnaissance de pairs, etc.),
- la santé de l’entreprise (rentabilité, rémunération, etc.).
Les résultats sont sans appel et corroborent ceux de l’étude publiée par l'Apec en septembre 2022. Les managers vont moins bien que les salariés en termes de santé mentale. 65 % des managers ont la sensation d'une charge de travail insurmontable (versus 47 % pour les cadres non-managers) et 62 % ont un sentiment d'épuisement professionnel (versus 48 % pour les cadres non-managers). Enfin, le niveau de stress est perçu comme étant intense pour 64 % des managers (versus 48% pour les cadres non-managers).
Dirigeant(e)s de PME : prendre soin de soi pour prendre soin des autres
Pour Céline O'Quigley, il n’existe pas de grande spécificité entre les salariés, les freelances ou les chefs d’entreprise en matière de santé mentale.
Les indicateurs à surveiller sont les mêmes et se retrouvent dans trois sphères :
- La sphère affective. Il convient de mesurer l’engagement du dirigeant dans son travail. Parvient-il à s’en détacher ou est-il hyper investi ? Existe-il un équilibre entre son implication professionnelle et personnelle ?
- La sphère cognitive. L’entrepreneur souffre-t-il de troubles de la concentration ou de difficultés mémorielles ? Les troubles de la mémoire peuvent témoigner d’un burn out à venir.
- La sphère physiologique. Les maux de dos, les insomnies, une prise de poids, des troubles digestifs sont des signes qui doivent alerter le freelance ou le chef d’entreprise d’une mauvaise santé mentale.
4 pistes pour préserver votre santé mentale au travail
Céline O'Quigley a accompagné avec moka.care plusieurs dirigeants dans ces problématiques. Elle nous livre ici des conseils simples et concrets pour préserver votre qualité de vie en tant que chef(fe) d’entreprise ou travailleur(se) indépendant(e).
1- Incluez dans votre emploi du temps autre chose que du travail
La gestion de l’agenda est le premier levier à activer. Si vous avez perdu de vue l’idée selon laquelle le travail n'est qu'un pilier de vie parmi les autres, vous devez le constater, concrètement, tous les jours. Pour ce faire, votre agenda est votre meilleur ami. Intégrez dans votre agenda des plages horaires dédiées à d’autres activités que le travail (dîner avec des amis, déjeuner en famille, loisirs, etc.). Les activités modératrices du stress telles que le sport ou la méditation sont à privilégier.
Pour se reconnecter à soi, il est intéressant de repenser la façon de gérer son temps. Ajuster son emploi du temps pour atteindre un équilibre de vie plus juste a un impact positif sur le reste de l'organisation et de la performance. - Céline O'Quigley, moka.care
2- Autorisez-vous à poser des limites et à déconnecter
L’accès à sa boîte mail depuis son téléphone n’a jamais été aussi rapide, tout comme les outils de messagerie instantanée accessibles en quelques clics. La possibilité de se connecter facilement (à ses collaborateurs, ses clients, etc.), rend logiquement plus difficile la déconnexion. Cette situation explique la hausse du stress et de la charge mentale professionnelle. Pour éviter cela, la psychologue incite les dirigeants à renouer avec le droit à la déconnexion (introduit dans le droit du travail depuis 2017). « Cette dimension est d’autant plus importante pour les freelances qui sont quotidiennement en télétravail et dont les limites entre vie personnelle et vie professionnelle sont de plus en plus poreuses » poursuit-elle. Si les solopreneurs sont épargnés par le stress inhérent à la gestion de l'humain, ils sont davantage soumis aux questions de déconnexion et d’isolement. Céline O'Quigley conseille également de traiter l’information en séquentiel (une tâche à la fois) et non en parallèle (multitasking).
Freelances, de votre capacité à déconnecter dépend votre santé mentale
Lorsqu’on est salarié(e), il est facile de se déconnecter et de ne pas être contacté(e) par son employeur quand on est en week-end ou en congé. Mais quid des freelances ? Ceux qui sont censés être toujours disponibles et réactifs ? Afin de préserver votre qualité de vie de dirigeant(e) et d’éviter de mélanger vie professionnelle et vie privée, vous devez vous imposer une déconnexion en dehors de vos horaires de travail. Voici quelques astuces pour y parvenir :
• Bouclez vos journées. Quand c’est fini, c’est fini !
• En dehors des heures de travail, désactivez vos notifications.
• Si vous travaillez chez vous, imposez-vous trente minutes de pause au minimum le midi pour cuisiner un plat rapide et déjeuner.
• Lors de vos temps de pause, optez pour une activité loin des supports numériques.
• Aménagez-vous un espace bureau pour travailler efficacement. Cela vous permettra de bien délimiter votre espace vie professionnelle de votre vie personnelle.
3 - Ouvrez-vous à vos pairs pour casser la solitude
Connecter les dirigeants entre eux est un excellent levier pour briser la solitude. Rencontrez d’autres dirigeants en petits groupes de cinq ou six, à un rythme régulier, permet de créer du lien et de réaliser que vous n'êtes pas le ou la seul(e) à rencontrer ce type de problématiques. « Il est par ailleurs souvent plus facile de parler à des pairs ou à un conseil externe que de s'ouvrir au sein de l'entreprise » analyse Céline O'Quigley.
Être à l’écoute de ses émotions, savoir les exprimer via notamment des techniques de communication non violente, permet de lutter contre l’isolement et de diminuer l’impact négatif du stress lié à la direction d’entreprise. - Céline O'Quigley, moka.care
4 - Tirez un trait sur le syndrome du héros
Bon nombre de dirigeants sont encore aux prises avec le syndrome du super héros axé sur la performance et cet esprit de sacrifice pour sauver l’entreprise. Disponible et dévoué(e), vous fournissez des efforts surhumains pour aider les autres. Mais vous vous délaissez complètement et ne pensez pas à vous. Résultat : votre qualité de vie en tant que dirigeant(e) dégringole. Ce syndrome de l'entrepreneur sauveur (ou super héros) explique également pourquoi tant de chefs d’entreprise souffrent en silence. Cette posture est dictée par les injonctions fortes de notre société qui empêche les dirigeants de demander de l’aide ou de déléguer. « Il est essentiel de travailler sur ces injonctions, au sein même de l’entreprise et auprès des solopreneurs pour les assouplir » conclut la psychologue de moka.care.
Pour préserver votre qualité de vie au travail, vous devez commencer par vous autoriser vous-même à y réfléchir et à y travailler. La qualité du travail n'est pas un droit à exiger mais un projet à construire avec vos équipes et votre entourage.