En tant que dirigeant, vous vous êtes forcément déjà demandé comment optimiser votre rémunération. Cette question, vous vous l’êtes même sûrement posée lors de la création de votre entreprise. Micro-entreprise, SARL, SAS, SASU : comment le statut juridique influence-t-il la fiscalité des dirigeants et celle de sa société ? Qu’est-il envisageable de mettre en place au sein de votre société pour augmenter votre revenu net ? Nous avons demandé à Julien Jacquemin, le CEO de l’entreprise Gedeon qui emploie une trentaine de personnes à Lyon et à Valentin Decker, un solopreneur qui accompagne les créateurs de contenus à développer leur business, les leviers qu’ils activent personnellement pour optimiser leur rémunération.
Optimiser sa rémunération de dirigeant(e) : les leviers à connaître
Bien choisir (et changer ?) son statut de dirigeant
Le choix du statut juridique de l’entreprise détermine la fiscalité appliquée et la fonction du chef d’entreprise et donc ses possibilités de rémunération. Chaque statut possède des avantages et des inconvénients. Il convient donc de bien évaluer les différentes options lorsque vous créez votre entreprise.
Mais vous pouvez aussi choisir de changer de statut juridique, quelques mois ou quelques années après la création de votre entreprise. Il est nécessaire de vous poser les bonnes questions au bon moment pour avancer sereinement en tenant compte des particularités qui vous sont propres.
Les statuts sont rédigés dès la création de la société et peuvent être modifiés en cours de route. Les formalités à accomplir pour les changer diffèrent selon la forme juridique de la société.
Valentin Decker est freelance. Il a fondé Sauce Writing : il aide les créateurs de contenus à publier leurs idées en ligne. Lors de la création de son entreprise il y a quatre ans, Valentin a opté pour le statut de micro-entreprise (auto-entrepreneur à l’époque). Mais il y a deux ans, le jeune entrepreneur décide de transformer sa micro-entreprise en SARL afin notamment d’optimiser sa rémunération : « J’ai changé de statut car mon activité se développait fortement et en micro-entreprise je ne pouvais pas déduire de charges. Maintenant que je suis en SARL, je peux déduire les coûts inhérents aux logiciels et au matériel informatique que j’utilise. Je peux également déduire les factures des freelances avec qui je travaille et le salaire de mon alternant. Idem pour les notes de frais que je fais lorsque je déjeune avec des clients, des prospects ou que je suis en déplacement. »
J’ai changé de statut car mon activité se développait fortement et en micro-entreprise je ne pouvais pas déduire de charges. Je suis donc passé en SARL afin d’optimiser ma rémunération. Valentin Decker, fondateur de Sauce Writing.
Salaire ou dividendes : comment optimiser sa rémunération ?
La loi prévoit qu’un dirigeant peut recevoir un versement sous différentes formes : une part fixe (généralement proportionnelle aux apports dans la société) et une part variable (parfois déterminée par le chiffre d’affaires ou les performances de l’entreprise). Dans le cas où le dirigeant est également associé, il peut également percevoir des dividendes.
À noter que la loi ne prévoit aucune obligation de se rémunérer pour les dirigeants d’entreprise. Et contrairement aux salariés, les dirigeants sociaux ne sont pas visés par la réglementation sur les salaires minimums.
Une distinction doit tout d’abord être faite entre les gérants majoritaires au capital de SARL / EURL, qui sont des travailleurs non-salariés, et sont donc affiliés au régime de la Sécurité sociale des indépendants d’une part ; et les présidents de SA/SAS/SASU qui sont des Assimilés Salariés d’autre part.
Les gérants de SARL et d’EURL
Un gérant de SARL ou d’EURL possède le statut de travailleur non-salarié (TNS). Le TNS est sujet à des régimes de cotisations et de protections sociales différents. Il ne bénéficie pas, par exemple, d’indemnités de congés payés ou d’assurance chômage, en revanche ses cotisations sont moins élevées.
Le TNS a donc intérêt à privilégier la rémunération plutôt que les dividendes afin de payer moins de cotisations sociales (entre 25 % et 44 % du montant perçu). En effet, s’il se rémunère en dividendes, il est contraint de verser une certaine somme à l’Urssaf, tout en cotisant à hauteur de 45 %, en moyenne, de ses dividendes.
Si vous souhaitez vous rémunérer mensuellement, privilégiez le statut de gérant majoritaire de SARL ou d’EURL : vous paierez moins de charges sociales que le Président de SAS, de SA ou de SASU. En revanche, si vous envisagez de vous rémunérer exclusivement en dividendes, la SAS est à privilégier. En effet, les dividendes ne sont pas soumis à cotisations.
Les dirigeants de SA, de SAS et de SASU
Le dirigeant de SA, SAS ou de SASU est placé quant à lui sous le régime social des Assimilés Salariés et dépend du régime général de la Sécurité Sociale. Il bénéficie d'une protection sociale plus avantageuse que le gérant de SARL. Toutefois, en contrepartie le président de SAS qui se rémunère paie plus de cotisations sociales. Le dirigeant de SAS qui se rémunère est en effet soumis à environ 82% de cotisations sociales (54 % de patronales et 28 % de salariales) sur la rémunération nette qu'il perçoit.
C’est l’option que Julien Jacquemin, le CEO de la start-up Gedeon a choisi. Gedeon aide les dirigeants et les DRH à mettre en place des Plan d'Epargne Retraite au sein de leur entreprise. Gedeon emploie plus de trente personnes sur Lyon.
Lorsque j’ai créé Gedeon, j’ai opté pour une SAS. Bien sûr avec une SARL, j’aurai payé moins de charges sociales mais cela ne me donnait pas les mêmes droits, notamment en matière de retraites. La SAS me donne de vrais droits et avantages sociaux. C’était pour moi essentiel. Julien Jacquemin, CEO de Gedeon.
Le dirigeant de SAS a plus intérêt à se rémunérer en dividendes. Les dividendes sont simplement soumis à un prélèvement forfaitaire de 30 % (appelé la flat tax), alors que la rémunération implique une cotisation au régime général. Les dividendes proviennent des bénéfices dégagés par l’entreprise. Le versement des dividendes est annuel. Lorsque l’exercice est clôturé et que le conseil d’administration décide de verser des dividendes, les sommes doivent être distribuées dans les 9 mois.
Identifier le meilleur arbitrage
Le dirigeant Assimilé Salarié a donc le choix : il peut choisir de se rémunérer en salaire ou bien en dividendes. Mais attention car si vous ne vous versez pas de salaire mensuellement, vous ne cotisez pas et vous n'êtes pas protégé par le régime général. En effet, en se distribuant 100 % de dividendes, le Président de SAS n’acquiert aucun trimestre et aucun droit retraite.
C’est pourquoi il convient de trouver le bon équilibre. Et cet équilibre repose sur deux points principaux :
- 1- Se rémunérer mensuellement suffisamment pour atteindre les seuils de cotisations minimales permettant de bénéficier de la protection du régime général.
- 2- Se verser des dividendes en fin d'année et bénéficier d’un taux de prélèvements sociaux avantageux.
L’arbitrage entre le dividende et la rémunération est assez complexe et dépend de nombreux facteurs. Tout l’exercice consiste à positionner le curseur au bon endroit. Julien Jacquemin, CEO Gedeon
Les dirigeants de holding
La holding est une forme d’entreprise qui séduit car elle présente de nombreux avantages fiscaux. Ce type de montage présente un certain intérêt dans le cadre de l’optimisation de la rémunération. En créant un montage holding, le dirigeant peut alors opter pour le statut de gérant de SARL et bénéficier d’une rémunération et d’une protection sociale. À travers la holding, le dirigeant peut profiter de plusieurs leviers d’optimisation comme le dispositif d’épargne salariale appliqué à la société mère ainsi qu’à ses filiales. Julien Jacquemin, le CEO Gedeon a opté pour ce montage : « J’ai créé une holding personnelle au-dessus de ma structure afin de piloter comme je l’entends les charges de la structure, les rémunérations et les dividendes. »
L’enjeu est de me verser à la fin du mois un salaire pas très élevé afin de rester dans la bonne tranche d’imposition pour ne pas payer trop d’impôts. Et à la fin de l’année, je complète avec des dividendes. Valentin Decker, fondateur de Sauce Writing
Dividendes : quelle imposition ?
Dividende : zoom sur le prélèvement forfaitaire unique (PFU)
Depuis le 1er janvier 2018, un prélèvement forfaitaire unique a été mis en place, également connu sous le nom de flat tax. La flat tax est fixée au taux de 30 % (12,80 % d’impôt et 17,20 % de prélèvements sociaux).
Depuis 2018, les dividendes peuvent être imposés au PFU à 30 %. Le raccourci emprunté par certains dirigeants a été de se rémunérer exclusivement sous forme de dividendes, car cela « ne coûtait que 30 % » contrairement aux cotisations sociales dont le coût est supérieur ! Julien Jacquemin, CEO de Gedeon.
Imposition des dividendes à l’IR : une option gagnante ?
À la place du PFU, le dirigeant peut opter pour l'imposition des dividendes au barème progressif de l'impôt sur le revenu. En fonction des revenus du dirigeant, cette option peut parfois s'avérer plus avantageuse. Le dirigeant bénéficie d’un abattement personnel de 40 % sur la somme obtenue.
Les autres outils d’optimisation efficaces
La solution de l’intéressement
L’épargne salariale ne profite pas qu’aux salariés d’une entreprise. Depuis 2005, les dirigeants d’entreprises et les entrepreneurs individuels peuvent en bénéficier et ainsi optimiser leur rémunération. Un chef d’entreprise peut recevoir des primes d’intéressement et de participation ou des abondements versés par sa société. Les sommes reçues au titre de l’intéressement et affectées à un plan d'épargne salariale (PEE, PEI, PERCO) sont exonérées d'impôt sur le revenu à l’exception de la CSG et CRDS dans la limite de 75 % du plafond de la Sécurité sociale.
La mise en place d’un contrat d’intéressement où le chef d’entreprise est considéré comme un bénéficiaire est un outil d’optimisation efficace.
Le Plan Épargne Entreprise (PEE)
Le plan d'épargne entreprise (PEE) est un système collectif d'épargne qui permet aux dirigeants des petites entreprises (et aux salariés) d'acheter des valeurs mobilières : actions, obligations, titres de créances négociables, parts d'OPCVM (Sicav et FCP), bons de souscription, certificats d'investissement avec l'aide de l'entreprise. Le PEE permet aux dirigeants de financer des projets à moyen-long terme dans des conditions fiscales intéressantes.
En tant que dirigeant d’entreprise freelance, l’optimisation de ma rémunération passe aussi par l’optimisation de ma fiscalité. En ce sens, j’ai crée un PER. Je verse régulièrement de l’argent dessus et ces versements volontaires sont déductibles de mon revenu net imposable. Valentin Decker, fondateur de Sauce Writing
Le Plan Épargne Retraite (PER)
La mise en place d’un PER représente un outil d’optimisation fiscal stratégique pour le dirigeant d’entreprise. La loi PACTE de 2020 (anciennement loi Madelin) donne la possibilité au dirigeant de mettre en place une épargne retraite tirée du revenu imposable de l’entreprise.
Souscrire à un contrat retraite facultative (PER) est fortement conseillé à un dirigeant de TPE / PME fortement imposé.
Le Plan Épargne Retraite COllectif (PERCO)
Ouvert aussi bien aux salariés qu’aux dirigeants de TPE, le plan d’épargne retraite collectif (PERCO) est un dispositif qui donne la possibilité de se constituer une épargne à récupérer sous forme de rente ou de capital au moment du départ à la retraite. Il est utilisé également pour optimiser la rémunération du dirigeant, car il permet la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières.
Les aides et dispositifs de l'État pour les dirigeants d’entreprise
Les aides proposées par Pôle Emploi permettent de soutenir la rémunération du créateur d’entreprise ou de l’entrepreneur.
L'ACRE
L’ACRE est l’aide de l’État la plus connue. Elle offre une exonération partielle des cotisations sociales du dirigeant pendant 12 mois et pour un montant limité à 1,2 fois le SMIC. L’exonération ACRE s’applique sur les cotisations des assurances maladie, maternité, vieillesse, veuvage, invalidité et décès et sur les allocations familiales dues aux régimes auxquels ils sont nouvellement affiliés.
Cette aide, accordée par l’URSSAF, permet aussi de choisir entre un maintien des allocations du demandeur d’emploi créateur et le versement d’une partie de ses droits (45 % des droits restants) sous la forme d’un capital.
Le dispositif zéro cotisation
La réduction générale des cotisations patronales (appelée aussi zéro cotisations Urssaf ou anciennement réduction Fillon) permet à l'employeur de baisser le montant de ses cotisations patronales. Cet allègement concerne les salaires qui ne dépassent pas 2 795,52 € brut par mois. Mis en place dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, ce dispositif est à calculer et imputer directement sur votre déclaration de cotisations sociales.
Le CICE
Depuis le 1er janvier 2019, le CICE est remplacé par un allègement de cotisations patronales, ciblé sur les bas salaires. Cet allègement bénéficie à tous les employeurs dans des conditions identiques.
Tout l’enjeu est d’activer les leviers stratégiques pour aller chercher des rémunérations annexes. À titre d’exemple, je commande des chèques CESU grâce auxquels je bénéficie des services d’un coach sportif et d’une femme de ménage. Optimiser sa rémunération de dirigeant c’est réussir à percevoir plus d’argent sans se verser plus de salaire. Valentin Decker, fondateur de Sauce Writing
Profiter des rémunérations indirectes
Enfin, les entrepreneurs peuvent optimiser leur rémunération en faisant prendre différentes dépenses à la charge de l’entreprise ou en profitant de divers avantages fiscaux.
- Les remboursements des frais engagés par le dirigeant dans l’intérêt de l’entreprise. En savoir plus sur le remboursement des notes de frais.
- Le remboursement des déplacements professionnels (kilomètres effectués, restauration, péages, hôtellerie). Profitez en pour améliorer la gestion de vos déplacements professionnels.
- Le local d’habitation du dirigeant. Un entrepreneur peut tout à fait domicilier son entreprise chez lui. Cela permet de se verser un loyer et de faire prendre en charge une partie des frais du logement.
- Le versement de chèques cadeaux au personnel de son entreprise. Si ces possibilités sont fortement réglementées, elles permettent au fil du temps et selon les conditions d’optimiser la rémunération du dirigeant. Citons par exemple la possibilité pour le dirigeant de faire un chèque CESU.
Pour conclure, il nous semble important de noter que pour mettre en place une optimisation de revenu, le dirigeant d’entreprise doit :
- Se faire accompagner d’un conseil, le plus souvent son expert-comptable.
- Avoir défini une stratégie de rémunération.
- S’appuyer sur des prévisions financières fiables.
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