Pluriactivité, tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer

Ils sont à la fois professeur de français et rédacteur web, illustrateur et tatoueur, retraité et formateur… Eux, ce sont les pluriactifs, aussi appelés slashers. Et ils sont aujourd’hui plus de 6 millions en France selon une étude réalisée par le Salon SME. 

En menant de front plusieurs activités à la fois, ces profils atypiques rompent avec le schéma traditionnel du « une seule carrière pour toute la vie » et bousculent les codes du monde du travail. 

Si la pluriactivité est tout à fait légale, il y a tout de même un certain nombre de conditions à respecter pour être en règle. Les implications sont nombreuses, notamment en ce qui concerne la protection sociale, la fiscalité et la comptabilité. Voici tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer.

Un pluriactif, c’est tout simplement une personne qui a décidé d’exercer plusieurs activités professionnelles simultanément.

• une activité salariée et une activité indépendante ;
• deux activités salariées à temps partiel ;
• deux activités indépendantes différentes.

Ce terme englobe également les retraités qui ont décidé de rester actifs en continuant d’exercer une activité. On parle aussi de slashers. Ce terme anglophone, popularisé outre-Atlantique, fait référence au slash (/), cette barre oblique que l’on utilise pour séparer deux activités exercées simultanément.

Depuis quelques années, ce phénomène a pris une ampleur considérable, notamment dans l’Hexagone, où les slashers sont passés de 4 millions en 2016 à 6 millions en 2022. Soit près d’un quart des actifs français.

Mais qui sont les pluriactifs ? Les slashers sont souvent assimilés à la génération Y (personnes nées entre 1980 et 2000). La grande majorité d’entre eux sont de jeunes travailleurs de moins de 35 ans, multi-casquettes, avec un haut niveau d’études. Mais ce profil est en train d’évoluer. La pluriactivité n’est pas réservée aux générations les plus jeunes. Aujourd’hui, de plus en plus d’actifs en fin de carrière envisagent de diversifier leur activité, pour retrouver du sens et pour s’assurer une retraite plus confortable.

Dans un contexte d’instabilité économique, il est légitime de se demander si ce phénomène ne serait pas un nouveau signe de précarité. Les slashers, le sont-ils vraiment par choix ou par nécessité, afin de boucler des fins de mois difficiles ?

L’étude menée par le Salon SME nous révèle que la pluriactivité est un choix dans la très grande majorité des cas (pour 96 % des personnes interrogées).

Et pour cause, ce modèle a de nombreux atouts.

Les pluriactifs ne se limitent pas à une seule activité. Leurs journées se suivent, mais ne se ressemblent pas. Cette diversité est stimulante, car elle leur permet d’échapper à une certaine routine de travail, de développer de nouvelles compétences et de progresser. Les pluriactifs ont la liberté d’explorer d’autres secteurs d’activité. Dans de nombreux cas, ils travaillent à leur compte. Ils sont autonomes et peuvent organiser leur agenda comme ils le souhaitent.

Si la majorité des slasheurs le sont par choix - et non pas nécessité économique - l’argument financier reste décisif. Selon l’étude du Salon SME, 67 % des pluriactifs ont choisi ce modèle pour augmenter leur revenu et 29 % pour tirer des revenus d’un passe-temps.

À première vue, cet argument peut sembler contre-intuitif. Nous pensons, à tort, qu’un pluriactif qui jongle entre plusieurs activités a plus de difficultés à trouver de la stabilité. Mais en réalité, ces professionnels font preuve de plus de résilience. Ils ne placent pas toutes leurs ressources dans une seule et même entreprise, ou activité, et ils ont donc moins de chance de tout perdre en cas de crise.

La pluriactivité est aussi une excellente alternative pour les actifs qui souhaitent préparer une reconversion professionnelle et/ou créer leur entreprise. Par exemple, de nombreux salariés décident de conserver leur emploi tout en développant une activité indépendante en parallèle. Ils peuvent ainsi tester leur projet sans prendre de risque, et en conservant un revenu stable.

Malgré les avantages que nous venons d’évoquer, il est important de préciser que la pluriactivité ne conviendra pas à tout le monde. Ce modèle comporte aussi son lot de difficultés.

• Le pluriactif doit se montrer particulièrement organisé et rigoureux. S’il exerce à son compte, il doit également gérer les obligations administratives liées à son entreprise.
• La charge mentale liée à la pluriactivité est importante. Cette organisation demande beaucoup de ressources, que ce soit en temps et en énergie. Gare au burn-out.

Il est tout à fait possible de cumuler plusieurs activités professionnelles en France. Toutefois, il y a certaines conditions à respecter, en particulier si vous êtes salarié.

À partir du moment où vous exercez une activité non salariée et que vous êtes indépendant(e), vous devez obligatoirement avoir un statut juridique. Si vous ne respectez pas cette condition, votre activité sera considérée comme non déclarée. Vous ne pourrez pas bénéficier d’une protection sociale pour votre travail et vous vous exposez à de lourdes sanctions.

Si vous êtes solopreneur(e), vous pouvez opter pour la micro-entreprise, l’entreprise individuelle au régime classique ou la forme sociétaire comme la SARL ou la SASU. La micro-entreprise est souvent l’option la plus appropriée en cas de pluri-activité. Cette structure a l’avantage d’être simple à créer : il vous suffit de remplir un formulaire via le Guichet unique. Vous n’avez pas besoin de déposer un capital social ni de rédiger des statuts. Ici, il faudra veiller à bien mentionner toutes les activités que vous comptez exercer dans votre déclaration.

Les obligations administratives liées à votre entreprise sont simples à gérer. Un avantage non négligeable, pour vous pluriactif(ve), qui avez déjà un agenda bien rempli. Pour bénéficier du régime de la micro-entreprise, votre chiffre d’affaires ne doit pas dépasser :

• 188 700 € hors taxe (HT) par an pour les activités commerciales et artisanales ;
• 77 700 € hors taxe (HT) par an pour les prestations de services.

Vous pouvez tout à fait exercer plusieurs activités distinctes au sein de votre micro-entreprise. Dans ce cas, vous êtes un(e) micro-entrepreneur(e) à activité mixte. Par exemple, vous vendez du matériel artistique (toiles, encadrement, pinceaux, pigments…) mais vous donnez aussi en parallèle des cours de peinture. Dans ce cas précis, vous exercez une activité commerciale (la vente de fournitures) et une activité de prestation de services (les cours). Le plafond de chiffre d’affaires à respecter est déterminé en fonction de votre activité principale, c’est-à-dire celle qui génère le plus de revenus.

Votre activité principale est une activité commerciale ? Pour bénéficier du régime de la micro-entreprise, votre chiffre d’affaires annuel ne doit pas dépasser :

• 188 700 € HT au global ;
• et 77 700 € HT pour la partie liée à la prestation de services.

Votre activité principale est une activité de prestation de services ?

Dans ce cas, votre chiffre d’affaires ne doit excéder 77 700 € HT, auxquels peuvent s'ajouter 111 000 € HT uniquement dédiés à l’activité secondaire commerciale.

Vous êtes salarié et vous souhaitez exercer une activité indépendante ou une seconde activité salariée en parallèle de votre emploi ? Avant de vous lancer, pensez à vérifier que votre contrat de travail ne contient pas de clause d’exclusivité. Cette clause interdit à un employé d’exercer une seconde activité à côté de son job. Elle est particulièrement contraignante, car elle s’applique même si le secteur envisagé est différent.

Votre contrat comporte une telle clause ? Pas d’inquiétude, tout n’est peut-être pas perdu pour autant. Ce n’est pas parce que cette clause est mentionnée dans votre contrat de travail qu’elle est valable. En effet, l’usage de cette clause est très encadré. Pour qu’elle soit applicable, elle doit respecter trois conditions :

1. elle est indispensable à la protection d’un intérêt légitime de l’entreprise ;

2. elle est justifiée par la nature des missions du salarié (les emplois stratégiques et/ou avec de fortes responsabilités sont principalement concernés) ;

3. elle est raisonnable et limitée dans le temps.

La clause mentionnée dans votre contrat vous semble valable ? Avant de renoncer à votre objectif, vous pouvez tenter d’exposer votre projet à votre employeur. Si votre activité est radicalement différente et n’impacte pas ses intérêts, il y a de fortes chances qu’il soit d’accord pour assouplir votre clause d’exclusivité.

Veillez aussi à vérifier que votre contrat de travail ne présente aucune clause de non-concurrence. Cette clause vise à empêcher un employé de concurrencer son ancien employeur, à la fin de son contrat de travail, en travaillant pour une entreprise concurrente ou bien en créant sa propre entreprise dans un secteur d’activité similaire. Là encore, cette clause est très encadrée. Pour être valide, elle doit :

• être justifiée par des intérêts légitimes de l’entreprise ;
• être limitée dans l’espace et dans le temps (elle ne peut pas dépasser 2 ans) ;
• être assortie d’une compensation financière ;
• être proportionnelle au but recherché et prendre en compte la capacité du salarié à retrouver un emploi.

Certaines professions réglementées ne peuvent pas être exercées en parallèle d’une activité commerciale, pour des raisons déontologiques. C’est notamment le cas des avocats, des juges, des notaires et des médecins.

Vous travaillez dans la fonction publique ? Là aussi, des restrictions s’appliquent. Selon l’article L. 121-3 du code général de la fonction publique (CGFP), les agents publics doivent consacrer la totalité de leur temps de travail à l’exercice de leurs missions. Dès lors, le cumul d’activité est interdit. En pratique, des dérogations à ce principe existent. Par exemple, la seconde activité envisagée ne doit pas placer l’agent public dans une situation de conflit d'intérêts. Elle doit aussi être compatible avec les obligations déontologiques du fonctionnaire, à savoir le devoir de dignité, d’impartialité, d’intégrité. Quoi qu’il en soit, avant de lancer votre projet, vous devez au préalable en discuter avec votre hiérarchie afin d’obtenir son autorisation.

À titre d’exemple, un professeur exerçant dans un collège public peut tout à fait décider de donner des cours particuliers à titre privé, à condition d’en faire la demande et de recevoir une réponse favorable de sa hiérarchie.

La pluriactivité impacte votre fiscalité, votre protection sociale, et - si vous exercez l’une de vos activités en tant qu’indépendant - votre comptabilité.

Si vous exercez deux activités salariées, vous êtes imposé au titre de l’impôt sur le revenu. Vous devez déclarer l’ensemble des rémunérations perçues dans votre déclaration d’impôt.

Si vous exercez une activité salariée et une activité indépendante, vous allez également devoir mentionner vos différents revenus dans votre déclaration. Votre salaire est déclaré dans la catégorie « Traitements et salaires » tandis que les revenus issus de votre activité indépendante dans la catégorie sont indiqués dans la catégorie :

• « Bénéfices industriels ou commerciaux » (BIC) si vous exercez une activité d’achat revente, de fourniture de logement et de nourriture, ou une prestation de services commerciale et artisanale ;
• « Bénéfices non commerciaux » (BNC), pour toutes les autres activités.

Les modalités d’imposition dépendent du statut juridique que vous avez choisi. Dans le cadre de la micro-entreprise, vous êtes imposé à l’impôt sur le revenu.

Ici, tout dépend de votre situation.

Si vous cumulez deux activités salariées, il n’y aura pas d’impact. Vous continuez de bénéficier du régime général de la Sécurité sociale.

Si vous cumulez un emploi salarié avec une activité indépendante non agricole, vous allez cotiser auprès de la même caisse : le régime général de la Sécurité sociale. Toutefois, même s’il s’agit du même régime, des différences s’appliquent. Les salariés et les indépendants ont une couverture et des droits spécifiques.

Si vous cumulez un emploi salarié avec une activité indépendante agricole, les choses se compliquent un peu. Ici, vous êtes affiliés à deux caisses distinctes :

• le régime général de la Sécurité sociale, pour votre emploi salarié ;
• la mutualité sociale agricole (MSA) dans le cadre de votre activité agricole.

Dans tous les cas, vos frais de santé sont pris en charge par le régime dont relève votre activité principale, c’est-à-dire, l’activité la plus ancienne.

Petite précision : à partir de la troisième année d’exercice, vous pouvez demander à ce que votre activité principale soit l’activité qui génère le plus de revenus.

Imaginons par exemple que vous êtes salarié depuis 2008 et que vous avez lancé votre activité agricole en 2019. Même si vous cotisez auprès de deux caisses spécifiques, votre protection sociale est assurée par le régime général de la sécurité sociale, car votre activité salariée est votre activité principale.

La tenue d’une comptabilité concerne uniquement les pluriactifs qui ont au moins une activité entrepreneuriale. Ici, tout dépendra de votre statut juridique.

Sous la micro-entreprise, vous bénéficiez d’obligations comptables ultra simplifiées. Autrement dit, il vous suffit de :

• tenir un livre des recettes, mentionnant tous vos encaissements ;
• tenir un registre des achats, récapitulant vos dépenses ;
• émettre un devis et une facture à chaque fois que vous réalisez une vente ou une prestation de service.Vous devez aussi déclarer votre chiffre d’affaires, tous les mois ou tous les trimestres en fonction de la périodicité choisie, auprès de l’Urssaf

Si vous choisissez un autre statut, vos obligations comptables seront plus lourdes. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre article dédié à la comptabilité des indépendants. Vous souhaitez lancer un projet entrepreneurial en parallèle de votre activité ? Découvrez Qonto, le compte pro qui simplifie votre quotidien d’indépendant.