Comment les PME peuvent-elles intégrer le bien-être mental au travail ?

Il y a plus de dix ans, l’affaire France Télécom a propulsé les risques psychosociaux sur le devant de la scène. Cela a ouvert la voie aux discussions sur la prévention du stress et sur le rôle de l’entreprise dans la santé de ses salariés.

Si le sujet de la santé mentale s’est démocratisé, notamment dans la vie personnelle des individus, certaines entreprises ont encore du mal à pleinement intégrer cette dimension. Alors même qu’elle a du sens, à la fois socialement et économiquement. Michel Barnier, premier ministre français, a d’ailleurs déclaré que la santé mentale serait la grande cause nationale en 2025.

Comment faire pour intégrer le bien-être mental au travail dans les PME ? Que faut-il mettre en place pour proposer un bon cadre de travail à ses salarié(e)s ? Qu’en est-il de la santé mentale des indépendant(e)s et des dirigeant(e)s d’entreprise ? Nous en avons discuté avec des expert(e)s et des chef(fe)s d’entreprise.

En tant que PME, avec des ressources humaines et financières plus limitées que les grands groupes, ce type de sujet peut sembler inaccessible ou secondaire. Pourtant, il est central pour la réussite et la pérennité de l’entreprise. 

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit le bien-être au travail comme un « sentiment général de satisfaction et d’épanouissement dans et par le travail qui dépasse l’absence d’atteinte à la santé. Le bien-être met l’accent sur la perception personnelle et collective des situations et des contraintes de la sphère professionnelle ». Parmi les éléments qui ont une influence sur cette perception : les relations avec ses collègues et la direction, l’organisation du travail, le sens de ses actions, la reconnaissance obtenue, etc. Le bien-être au travail est donc le sentiment des salarié(e)s par rapport à leur travail, et l’impact que celui-ci a sur leur bien-être physique, psychologique et émotionnel.

Vous vous demandez peut-être si c’est vraiment à l’entreprise de prendre en charge cette dimension. La réponse est oui selon la loi : l’article L4121-1 du Code du travail indique que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cela comprend les actions de prévention des risques psychosociaux, d’information et de formation, et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’enjeu du bien-être au travail, notamment mental, n’est pas simplement de réagir face aux problèmes, mais de construire une culture d’entreprise et une approche proactive de la santé au travail qui permet de prévenir les risques psychosociaux avant qu’ils n’émergent.

Un salarié sur deux s’estime en détresse psychologique : c’est le chiffre recensé dans un article de novembre 2023 des Echos. Les résultats de ce mal-être au travail sont sans appel : fatigue et stress en premier lieu, qui peuvent aller jusqu’au burn-out et/ou à la dépression. Pour l’entreprise, cela se traduit par le désengagement du salarié, de l’absentéisme et des arrêts maladie récurrents. Une situation qui coûte cher. 

Prendre en compte la santé mentale de ses salarié(e)s est également un impératif social pour l’entreprise, qui entre dans la fameuse RSE, la responsabilité sociétale / sociale des entreprises.

Bien sûr, l’entreprise ne peut pas tout prendre en charge dans la vie de ses salarié(e)s. Mais elle peut mettre en place des dispositifs de soutien, construire une culture de travail saine et prévenir les risques psychosociaux. 

Le sujet du bien-être mental au travail est d’autant plus important que les attentes des salarié(e)s ont évolué ces dernières années, notamment suite à la pandémie du COVID-19. 

Dans beaucoup d’entreprises, c’est la première fois que les collaborateurs étaient aussi sollicités et écoutés, et que leur santé mentale est devenu un sujet dont on parle. La connexion entre les salarié(e)s et les instances dirigeantes de l’entreprise était urgente et forte. Un lien qui se délite peu à peu depuis. 

Voici quelques chiffres issus de la dernière édition du questionnaire sur la relation au travail mené par ChooseMyCompany :

• 64,5 % des salarié(e)s se disent motivés et heureux. Une baisse de deux points par rapport à l’année précédente, ce qui est la plus forte baisse enregistrée en un an depuis que l’enquête est menée.
• 69,5 % des interrogé(e)s recommanderaient leur entreprise. Un chiffre de prime abord positif, mais qui lui aussi a baissé, d’1,7 point en un an.
• 63 % des salarié(e)s adhèrent à la stratégie et la culture et ont confiance en la direction. C’est le chiffre en plus forte chute sur un an : - 8 points. Il montre une certaine défiance vis-à-vis des institutions de la part des individus.

Certains éléments de la relation au travail ont évolué de façon positive, notamment depuis la sortie de la pandémie. Il s’agit notamment de l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle, en hausse d’1,9 point par rapport au niveau pré-pandémie de 2019, et des modes de travail : + 7,9 points par rapport à 2019. Au contraire, la qualité des relations a chuté de 2,2 points par rapport à 2019, et surtout de 8,8 points par rapport au chiffre 2022. Le développement des compétences est en chute de 7,5 points par rapport au niveau 2019, et 11,8 points par rapport à 2022. Enfin, la confiance en la direction est en chute de 5 points par rapport au niveau pré-pandémie, et de 10,8 points par rapport au niveau 2022.

Au global, l’engagement d’un(e) salarié(e) baisse au bout de 2 ans d’ancienneté en moyenne aujourd’hui, contre 6 ans en 2017. L’entreprise doit donc s’adapter aux attentes de ses collaborateurs pour améliorer la relation et les conditions de travail.

S’il semble évident que prendre soin du bien-être de ses salarié(e)s est un facteur clé de pérennité pour une entreprise, les PME ont-elles les moyens de mettre en place des dispositifs adéquats ? Elles n’ont ni les moyens humains ni les moyens financiers d’une grande entreprise. 

Oubliez les babyfoots et autres salles de sieste : les initiatives les plus simples peuvent aussi être les meilleures pour améliorer le bien-être de ses salariés. L’INRS indique d’ailleurs que « la notion de bien-être au travail est parfois mobilisée pour parler d’actions qui n’ont que peu d’impacts sur l’organisation concrète du travail dans les équipes » et qu’il faut plutôt privilégier « une posture d’écoute des salariés sur les facteurs organisationnels reconnus comme ayant un impact en matière de risques psychosociaux : la définition des tâches, le sens du travail, la répartition de la charge de travail, les relations entre les collègues et avec la hiérarchie, etc ».

Cela, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent le mettre en place. Et les PME peut-être plus facilement que des grandes entreprises grâce à leur taille plus humaine et leur flexibilité. Savoir construire un tel environnement de travail est un levier de performance et de fidélisation des salarié(e)s à long terme. 

Vous êtes convaincu(e) qu’il faut instaurer des dispositifs pour améliorer le bien-être de vos salarié(e)s, mais vous ne savez pas par où commencer ? Voici quelques éléments de réponse. D’abord, la prévention des risques psychosociaux se découpe entre prévention primaire et prévention avancée.

• La prévention primaire identifie et élimine les sources de stress professionnel. Cela veut dire que l’entreprise anticipe les problèmes et met en place des actions préventives, avant qu’ils ne se posent.
• La prévention avancée quant à elle est l’action corrective, pour diminuer les risques psychosociaux d’un(e) employé(e) qui a déjà des symptômes. Le but est d’éviter que la situation ne devienne encore plus douloureuse pour l’individu.

Qui doit se charger de ce sujet en PME ? Il y a différentes portes d’entrée en fonction de l’entreprise selon Sylvie Chauvin : le service RH, notamment pour la mise en place de la prévention primaire, ou bien le CSE, qui peut être moteur sur le sujet de la santé mentale. 

Pour améliorer le bien-être des salariés, il faut d’abord le mesurer. Cela permettra de suivre son évolution dans le temps et d’identifier l’impact des actions mises en place.