Futur du travail : de quoi parle-t-on ? Quelles sont les grandes tendances du Future of Work en 2024 ? Quel futur pour le monde du travail ?

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Future of Work : à quoi ressemblera l'entreprise de demain ?

8 min

27 février 2024

Par Anaëlle Gautier

Comment travaillerons-nous demain ? Quelle place le travail aura-t-il dans nos vies ? Quel rôle jouera la technologie ? Travaillerons-nous moins ? Le travail sera-t-il plus qualifié, moins pénible ? Y aura-t-il du travail pour tout le monde ? Aurons-nous tous des activités multiples, à mi-chemin entre le salariat et l’indépendance ? Toutes ces questions, et tant d’autres, sont le sujet d’étude des spécialistes du Future of Work.

À quoi ressemblera l’entreprise de demain ? Pour éclairer ce sujet, nous avons posé la question à deux experts :

Samuel Durand, auteur, conférencier et producteur de documentaires sur le futur du travail,
Laetitia Vitaud, autrice et conférencière sur le Future of Work.

Futur du travail : de quoi parle-t-on ?

Quelle est la définition du Future of Work ?

« Le futur du travail ». Vaste sujet s’il en est. Que disons-nous lorsque nous utilisons l’expression Future of Work ?

Le Future of Work, c’est un ensemble de bonnes pratiques qui permettent d’améliorer le bien-être et la performance au travail : innovations managériales, innovations organisationnelles, outils, nouvelles façons d’envisager le travail : c’est un tout. - Samuel Durand, auteur, conférencier et producteur de documentaires

Et si la démarche paraît uniquement prospective, ce n’est pas le cas :

Pour moi, le Future of Work est une démarche de réflexion, nourrie par différentes disciplines (sociologie, économie, histoire, fiction), pour comprendre les tendances d’aujourd’hui et imaginer des scénarios. Avec beaucoup d’humilité, puisqu’on ne sait rien du futur par définition. Le futur du travail, c’est le présent du travail. - Laetitia Vitaud, autrice et conférencière

Pourquoi parle-t-on de plus en plus du futur du travail ?

Si les travaux sur le Future of Work ne datent pas de la pandémie du Covid-19, celle-ci a été un accélérateur des réflexions autour des modes de travail. Nous vivons aujourd’hui une période de transitions profondes.

Il y a actuellement un très grand désalignement d’un rapport au travail qui a relativement bien fonctionné pour une grande partie des gens dans la seconde moitié du XXème siècle. En échange d’une certaine aliénation, un agrégat de contreparties ont été mises en place pour rendre la transaction acceptable : congés payés, sécurité de l’emploi, accès au logement, etc. - Laetitia Vitaud

Cet alignement de sens économique ne fonctionnait pas pour tous mais il a façonné l’imaginaire. Une situation qui a changé.

Aujourd’hui, on a gardé l’aliénation mais moins de contreparties. La protection sociale est dégradée, l’accès au logement ne fait plus partie du package… La question qui se pose est donc : pourquoi l’aliénation puisque je n’ai plus les contreparties ? - Laetitia Vitaud

Télétravail, travail indépendant, semaine de 4 jours : autant de sujets qui s’expliquent notamment par ce désalignement du rapport au travail. Les individus souhaitent travailler autrement, notamment pour compenser la perte des contreparties du travail salarié traditionnel.

Quelles sont les grandes tendances du Future of Work en 2024 ?

À quelles évolutions du travail assistons-nous aujourd’hui, dans cette recherche d’un nouveau rapport au travail ?

Flexibilité des lieux de travail

Propulsé sur le devant de la scène avec les confinements, le télétravail est devenu une norme pour les salarié(e)s… même si une partie des entreprises essaye de revenir à une présence au bureau plus fréquente.

Un retour à la situation pré-pandémie est cependant inenvisageable pour la plupart des salarié(e)s, qui profitent de la flexibilité offerte par le travail à distance. Les entreprises ont bien compris que le travail à distance améliorait le bien-être de leurs collaborateurs. Disposer d’1 ou 2 jours de télétravail par semaine est habituel désormais, et certaines entreprises pratiquent même le full remote.

Montée du travail indépendant

+ 1 million d’indépendant(e)s en 10 ans : c’est le constat fait par l’URSSAF en 2022. Désormais, plus de 4 millions de Français(es) travaillent de façon indépendante. Un chiffre qui ne fait qu’augmenter.

Pourquoi devenir indépendant(e) ? Dans l’étude « Freelancing in Europe - 2022 » par Malt et le BCG, les freelances citent l’indépendance et la flexibilité dans l’organisation de leur emploi du temps comme moteurs principaux de leur choix.

Cette montée du travail indépendant s’affirme de plus en plus chaque année. Elle répond à la recherche d’un nouveau rapport au travail d’une partie de la population. Les entreprises intègrent progressivement ce changement et collaborent de plus en plus avec des freelances.

Momentum pour la semaine de 4 jours

En 2023, la discussion autour de la semaine de 4 jours a connu un momentum mondial. Les difficultés de recrutement actuelles poussent les entreprises à envisager des modes de travail qu’elles n’auraient pas imaginé il y a des dizaines d’années.

On y a déjà abouti pour certaines entreprises, mais c’est très loin d’être la norme. Il est juste de se demander si ça va retomber comme un soufflet, s’il s’agit plus d’un buzzword que d’une vraie tendance. - Samuel Durand

Deux raisons lui laissent penser que la semaine de 4 jours devrait encore faire parler d’elle dans les années à venir :

Les syndicats automobiles américains ont pour la première fois utilisé la semaine de 4 jours comme levier de négociation à l’automne 2023. Et si l’intelligence artificielle apporte des gains substantiels de productivité, ce sera une des allocations évidentes en alternative à la croissance.

Beaucoup d’entreprises restent pour le moment des spectatrices éloignées du sujet. Celles qui s’y sont essayées sont de leur côté enthousiastes, comme le montre une étude du think tank Wednesday by Autonomy. De juin à décembre 2022, en Grande-Bretagne, 61 sociétés ont adopté la semaine de 4 jours pour leurs employé(e)s. 89 % des entreprises fonctionnaient toujours avec la semaine de 4 jours fin 2023, et 51 % ont entériné ce nouveau rythme de manière permanente.

Quels ont été les résultats observés sur les employés selon les CEO et chef(fe)s de projet ? Pour 82 %, une amélioration du bien-être des salarié(e)s, pour 50 %, une réduction du turnover, et pour 32 %, une amélioration du recrutement. Tout en ayant une amélioration de la productivité pour 46 % d’entre eux.

Impact de la technologie sur le travail

Autre sujet largement discuté en 2023 : l’intelligence artificielle et son impact sur le travail, notamment avec la démocratisation d’outils d’intelligence artificielle générative comme ChatGPT. À quoi peut-on s’attendre ?

De vrais cas d’usage commencent à émerger. Un fossé va se creuser entre celles et ceux qui adoptent l’IA dès aujourd’hui et ceux qui traînent, ou y sont même hostiles. Être à l’aise avec l’usage de l’intelligence artificielle dans son métier, connaître les différents outils, etc, commence déjà à être un pré-requis pour certaines professions. Tout comme on n’embauche plus personne qui ne sait pas se servir d’internet, on n’embauchera plus quelqu’un qui ne sait pas utiliser l’IA. - Samuel Durand

Un constat un peu tempéré par Laetitia Vitaud :

Je ne pense pas du tout qu’on n’aura plus besoin de recruter des gens demain. La technologie va en effet précariser certaines professions, notamment des emplois peu valorisés. Cependant, je pense qu’on surestime aujourd’hui l’impact de l’IA sur le travail. Cela touche les métiers sur internet, mais pas les 95 % autres. Dans des secteurs comme la santé, sa mise en place va être très lente. On est loin d’une généralisation pour le moment.

L’intelligence artificielle, et la technologie de façon générale, va graduellement jouer un rôle de plus en plus central dans le travail. Charge aux entreprises de former leurs salarié(e)s sur le sujet, et aux indépendant(e)s de s’y préparer.

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Quel futur pour le monde du travail ?

Vers moins de travail ?

Travaillera-t-on moins dans les années qui viennent ? Sans doute selon Samuel Durand, si l’on considère le travail comme l’emploi.

Il aime cependant utiliser la vision de l’anthropologue James Suzman, qui définit le travail comme « une dépense d’énergie dans un but précis ».

Dans ce cas, le travail est une activité comme une autre. Peut-être qu’on se dirige vers un monde dans lequel on ne va travailler dans un job principal que 20 ou 25 heures, et qu’à côté, on aura une activité de freelance ou de bénévole, et plus de temps pour effectuer des tâches considérées comme du bon sens, et parfois délaissées, qui sont en réalité du travail.

Quelles seront les conditions de travail dans le futur ?

Pour Laetitia Vitaud, il faut que les conditions de travail changent pour désaliéner le travail. Prenons par exemple la question du logement. Elle est centrale quand il s’agit de chercher et maintenir un emploi.

Il y a une tension autour du logement dans toutes les grandes villes du monde, avec un fort déséquilibre entre ceux qui peuvent télétravailler et se payer un logement dans le centre, et ceux qui ne peuvent pas télétravailler et qui doivent habiter dans des zones éloignées. Il faut rééquilibrer la géographie du travail.

Des grandes entreprises, comme la SNCF ou la RATP, l’ont bien compris et essayent de jouer un rôle plus actif dans le logement. Cela passe par son intégration d’une manière ou d’une autre dans le package d’avantages pour les salarié(e)s. Il peut s’agir d’un logement de fonction, de transformer l’organisation du travail (semaine de 3 ou 4 jours), etc.

Beaucoup de pistes vont être explorées. Ce sujet va occuper les entreprises dans les années à venir. Sans cela, elles n’arriveront pas à recruter. - Laetitia Vitaud

Par ailleurs, la démographie va avoir un impact fort sur les conditions de travail :

La population vieillit, et en parallèle, on doit travailler plus tard pour accéder à la retraite. Or, le travail est organisé pour les corps jeunes. Et, en entreprise, on est déjà considéré comme vieux à 45 ans. Il va être nécessaire de réinventer le travail pour mieux valoriser les personnes de tout âge et l’intergénérationnel.

La nécessaire réinvention des écosystèmes

En parallèle de la réinvention du travail, les écosystèmes de services vont aussi devoir s’adapter aux évolutions du travail.

Aujourd’hui, la société est pensée sur le modèle du salariat. Depuis 10 ans, les entreprises ont pris le relais des institutions pour proposer une batterie de services pensés pour un nombre croissant d’indépendant(e)s et de slasheur(se)s. - Samuel Durand

Si les entreprises sont pionnières dans ces innovations de service, les institutions vont devoir s’y adapter également :

Toutes les institutions qui accompagnent le travail (banques, système de retraite, école, etc) sont façonnées par le monde du tout-salariat (et du tout-salariat fordiste). Avec un monde du travail plus fragmenté, il y a des éléments à réajuster. - Laetitia Vitaud

À commencer par la protection sociale et aux cotisations associées. Le régime général a été pensé dans un monde où être indépendant(e) était très particulier. Avec la croissance soutenue de ces nouvelles formes de travail, il est légitime d’ajuster le statut, et notamment d’être intégré(e) dans le régime général, plus universel.

Pour réinventer cet écosystème institutionnel, il faudra compter sur la négociation collective. Jusqu’à présent, les syndicats ne se sont jamais intéressés aux freelances. Mais ces derniers ont appris à s’organiser, via des collectifs de freelances, comme des guildes à l’ancienne. En parlant, on arme mieux les gens. - Laetitia Vitaud

Comment intégrer les enjeux de développement durable dans le Future of Work ?

Parmi les autres éléments à prendre en compte pour penser l’évolution du travail, il y a bien entendu le sujet écologique. Comment l’intègre-t-on dans le Future of Work ?

Pour le moment, on intègre surtout les enjeux écologiques à travers des services RSE en entreprise. C’est un bon premier pas, mais c’est un enjeu qui concerne tous les départements. On doit faire en sorte que le développement durable soit le sujet de tou(te)s, et que chacun se pose la question de la valeur qu’il crée dans son quotidien et de son impact. - Samuel Durand

Une responsabilité individuelle, mais aussi de nouvelles incertitudes à gérer pour les entreprises.

Les instabilités géopolitiques vont de pair avec les désastres environnementaux qui s’accumulent. Les chaînes d’approvisionnement deviennent moins fiables. Cela va augmenter le coût du travail dans la production. - Laetitia Vitaud

Pour certains secteurs et métiers, directement touchés par le réchauffement climatique, repenser le travail sera nécessaire. C’est par exemple le cas du travail en extérieur, qu’il s’agisse de la livraison, des travailleurs agricoles ou de la construction, dans des endroits très chauds.

On va à la fois avoir plus chaud et une population qui vieillit dans les années qui viennent. Tout le monde va avoir plus de contraintes liées au care, au soin. C’est contre-intuitif mais il va falloir travailler moins, mais mieux, pour que plus de gens travaillent (notamment les + 50 ans). - Laetitia Vitaud

S’adapter à un monde qui change : c’est le défi de toutes et tous. Pour être pérennes, les entreprises doivent réinventer le rapport au travail pour leurs salarié(e)s, marqué par un fort désalignement depuis quelques années, et s’ouvrir aux évolutions du travail, comme la montée en force de l’indépendance ou la flexibilité du travail.

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ÉCRIT PAR

Anaëlle Gautier

Anaëlle est copywriter freelance depuis 2018 et écrit pour de nombreux clients, dont Qonto. Elle est spécialisée en fintech et SaaS B2B et écrit également sur le freelancing.